Sur les chemins de l’humanité

Publié le 10/10/2018

À poil, tout devient possible. Avec son compère Mouts, Nans a inventé un type de voyage complètement nouveau. Ils débutent tous leurs périples entièrement nus, au milieu de nulle part, sans argent, avec pour seul bagage un couteau et trois caméras qui les filment en permanence. Pour aller où ? Quelque part où des rêves d’enfants les attendent. Au hasard, la Hollande (en tandem), l’Islande (pour y contempler une aurore boréale), la Belgique (pour partager un chocolat avec le Roi), ou les Pyrénées (histoire de croiser un ours). Leur pari ? Vivre du troc et de la générosité des personnes rencontrées en chemin. Nans le dit lui-même : le voyage est le prétexte, l’essentiel est la rencontre. Un aventurier témoigne de l’humanité croisée en chemin.

“Mais je connais très peu Jésus”, ai-je répondu, désolé, lorsqu’on m’a proposé de participer à ce magazine et d’écrire un article sur lui. Il y a des moments mystérieux dans la vie où les choses se passent sans que je ne comprenne ni comment ni pourquoi. Et là, justement, après quelques échanges, je me suis entendu clore la discussion téléphonique et annoncer : “C’est d’accord, je vous envoie cela pour septembre.“ Avec l’éducation que j’ai reçue, je n’aurais jamais imaginé un jour écrire un article sur Jésus.

Enfant, je n’ai pas le souvenir que quelqu’un m’ait déjà parlé sérieusement de Jésus ou appris à m’adresser à Dieu. Mais je me revois en train de prier dans ma chambre, j’ai environ 8 ans. Me reviennent des instants spontanés et profondément joyeux où j’adresse secrètement à Dieu mes questions, mes souhaits, mes histoires et aussi ma gratitude. Avec deux amis, nous lui écrivons même une lettre. Au moment de la lui envoyer, l’un de nous demande : “Quelle est son adresse au fait, et comment être certain que Dieu reçoive notre lettre ?“Après une grande réflexion, je lui réponds : “Sachant que l’on enterre les morts pour qu’ils rejoignent le ciel, peut-être pouvons-nous enterrer notre lettre pour qu’elle lui parvienne ?” La foi et l’innocence d’un enfant ne semblent pas avoir de limites…

Et pourtant, il y a eu ces moments où l’ouverture de l’enfant se heurte violemment aux limites et fermetures autour de lui, comme ce jour où je vais trouver mon père pour lui raconter fièrement : “Papa, aujourd’hui j’ai prié !!!” Fidèle à sa nature pragmatique et scientifique, et peut-être aussi peu disponible sur le moment, il me répond mathématiquement : “Tu comprendras plus tard que tout ça n’est pas vrai.” BOOM ! Effondrement. Désillusion. Fin d’une époque. L’enfant que je suis, par fidélité à ses parents, abandonne sa propre sensibilité. Bien sûr, j’aurais aimé une bénédiction de sa part, j’aurais aimé que mon père m’écoute et me dise : “Tu sais, je connais très peu de choses à propos de Dieu mais je vois que toi, tu pries et que cela te rend heureux. Peut-être pourrions-nous aller voir ensemble tante Margot, elle saura certainement t’accompagner sur ce chemin.” Mais mon chemin n’était pas là et celui de mon père non plus. La vie nous réservait bien plus… une opportunité d’apprendre à pardonner et à retrouver le sens profond de la foi par l‘expérience.

“NE PLUS AVOIR PEUR DE L’AVENTURE”
Vingt-quatre ans plus tard, peut-être inspiré par le célèbre pèlerin, j’enchaîne des voyages dans lesquels je pars avec un ami tout nu et sans argent, depuis la nature à la rencontre des gens.

Notre métier, témoigner à travers des documentaires de l’humanité que nous découvrons sur notre route. Un saut dans l’inconnu où tout nous invite à lâcher prise, faire confiance et oser croire en l’impossible. Et pourtant, nous doutons tellement. Après sept années d’aventures, il nous arrive encore de pleurer en nous déshabillant avant le départ. Notre amnésie profonde a besoin que l’on répète l’expérience encore et encore pour petit à petit laisser de la place à la confiance, réaliser que quelque chose d’autre que notre volonté est à l’œuvre et que l’on peut s’abandonner à cela. Je me souviens de ce jour froid d’avril où nous étions tout nus dans la forêt, le soir tombait et nous n’arrivions pas à faire du feu avec la technique ancestrale de friction que je connaissais. Dépités et préoccupés par la météo qui annonçait zéro degré cette nuit-là, nous sommes partis à la recherche de feuilles mortes et de mousse pour se protéger du froid. Au bout de quelques minutes, c’est un briquet que nous avons trouvé sous un caillou.

“IL SEMBLERAIT QUE LA CACHETTE PRÉFÉRÉE DE LA FOI SOIT L’IMPUISSANCE DES HUMAINS.”
Miracle. Le voyage a peu à peu rallumé le feu de la confiance dans mon cœur. Et de la confiance, il en faut, car lorsque nous arrivons chez l’habitant le soir, nous sommes très vulnérables matériellement et avons besoin de l’autre pour manger et passer la nuit.

Dans ces voyages, la relation n’est pas une option, elle est une condition. C’est justement cette nécessité du lien qui nous permet de nous frotter à d’autres univers que nous n’aurions certainement pas côtoyés si nous avions eu le choix. Que notre hôte soit un jeune PDG d’entreprise, une grand-mère ou un criminel, nous allons être inévitablement invités à rencontrer cette personne au-delà de son rôle et de son histoire. Là encore, j’observe avec consternation mes réflexes à projeter des images sur l’autre, parfois même à juger. Peut-être que mon hôte vit la même chose… en tout cas commence alors le plus beau des jeux que je connaisse entre deux inconnus, celui de survivre aux crucifixions mortelles des jugements et voyager à travers des couches plus ou moins épaisses d’ignorance, de peur, et d’idées reçues jusqu’à atteindre le cœur, cet espace de tendresse et de simplicité qui n’a d’autre intention que d’accueillir et de communier. C’est aussi ici que les miracles opèrent et guérissent la mère de toutes les peurs, cette idée que nous sommes isolés les uns des autres. C’est le deuxième grand enseignement de la route pour moi, l’enseignement vivant du lien qui nous unit et que j’aime appeler l’amour.

Vivre cela quelques semaines par an sur la route est une chose, le vivre au quotidien en est une autre. Avec le temps, le voyage s’est peu à peu invité dans ma vie familiale, amoureuse, amicale, professionnelle, sociale. Ici s’expérimente chaque jour la plus grande des aventures qui soit : oser aimer. Et nombreuses sont les occasions de renoncer, de se détourner, de fuir, de douter, de se décourager (surtout avec les proches) ; alors je rends grâce à tous ces aînés inspirants, ces hommes et femmes qui depuis la nuit des temps se relaient pour nous offrir des exemples vivants de paix d’esprit, d’amour et de ferveur. Ils me rappellent inlassablement que quelque chose de mystérieux et d’immense nous habite et nous abrite, au-delà de nos plaisirs et déplaisirs, de nos affinités et conflits, de nos croyances et ignorances.

Alors, comment le mot Jésus résonne-t-il pour moi ? Comme un mystère, comme une énigme. Un peu comme le chiffre “i” en mathématique ; on l’appelle “le chiffre imaginaire”, il n’existe pas car égal à -1 lorsqu’il est multiplié par lui-même. Pourtant, c’est ce chiffre qui permet de résoudre les équations les plus complexes, qui sont à l’origine des plus grandes découvertes scientifiques et de leurs applications dans nos vies. C’est ça, Jésus est pour moi un “i”, un homme réel et imaginaire produisant des miracles lorsque l’on fait appel à lui. Mais attention, la multiplication des pains, les guérisons et les marches sur l’eau sont négligeables par rapport au véritable miracle qu’il a accompli à mes yeux : avoir gardé son cœur ouvert et confiant quoi qu’il arrive, y compris devant la mort. Et le fait que ce soit vrai ou pas n’est pas la question, ne faisons pas de cela un problème. Avec mon père, nous savons aujourd’hui que, quel que soit le chemin, c’est l’amour qui compte.

écrit par Nans Thomassey

Coréalisateur de la série documentaire Nus et culottés dont la 4e saison sera diffusée cet été sur France 5,
Nans Thomassey est un fervent défenseur du « dépouillement heureux ».

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