“Dieu seul suffit” – Nicolas Buttet

Publié le 23/11/2018

Le père Nicolas Buttet arrive à notre rencontre, le visage buriné par le soleil après 15 jours à prêcher à la Réunion. Il nous accueille à bras ouverts. Nous avons rendez-vous au séminaire de la Castille, près de Toulon. Après une nuit presque blanche passée à préparer une conférence sur la beauté, cet homme infatigable a failli nous oublier. « la providence fait bien les choses », nous dit-il en riant de bon cœur. « après Avignon j’allais rentrer directement en Suisse », avant d’enchaîner avec le Tibet. Ce qui ne l’a pas empêché de nous accorder un long moment de confidences ! Comment le jeune député plein d’avenir que vous étiez a-t-il pu, en quelques années, tout lâcher pour devenir ermite ?

Ça ne s’est pas fait d’un coup (rires) ! Il m’a d’abord fallu redécouvrir que Jésus est vraiment quelqu’un… Je viens d’une famille catholique, pratiquante mais je pratiquais jusqu’à la fin de mes études sans trop y réfléchir. Je ne doutais pas de Dieu toutefois je le laissais pour ainsi dire un peu de côté. Je ne pouvais pas douter de son existence, parce que j’étais trop admiratif de la beauté de la Création pour me dire, après l’ascension d’un sommet de 4000 mètres et devant la splendeur d’un lever de soleil sur les montagnes, que tout était le fruit du hasard. Mais en même temps, j’avais une image de Dieu assez négative. Il existait d’abord comme un concept. Un concept que j’espérais à la fois lointain et myope. Je voulais qu’il ne regarde que le business plan que je lui présentais et pas les autres aspects de ma vie, qui étaient plus déplaisants à mes yeux. Je fuyais en permanence ce qu’était ma pauvreté, ma fragilité, mes vulnérabilités ; mon péché, quoi !

VOUS ÉTIEZ POURTANT UN ÉTUDIANT PLUTÔT FÊTARD ET ACCOMPLI, À CETTE ÉPOQUE ?
Oui, je sortais beaucoup pendant mes études de droit. J’aimais beaucoup la fête et tout ce qui va avec ! Mais je percevais petit à petit derrière cette euphorie qu’il y avait en moi à la fois une incohérence et une insatisfaction. J’avais l’impression de ne pas être vrai, d’avoir deux visages : un visage socialement « comme il faut » et puis la face cachée de la lune, la partie des fêtes, de l’éclatement de soi. Cela me déchirait.

MAIS QU’EST-CE QUI POUVAIT BIEN VOUS MANQUER, AU FOND ? Socialement, on peut dire qu’en effet tout allait bien. Admirablement bien, même ! Je n’allais jamais en cours à la fac mais je passais mes examens et je réussissais. À l’époque, j’étais avec une fille qui faisait un chemin de foi et elle m’aidait beaucoup à me poser les bonnes questions. Grâce à elle, j’ai fait une rencontre marquante. Celle d’un ancien toxico, qui avait fait le tour du monde, avant de se convertir. Son témoignage m’a bouleversé. J’étais profondément interpellé par ce chemin de vérité qu’il voulait mener. Je cherchais une vraie paix intérieure, une vraie joie et lui justement, il paraissait authentiquement libre et heureux.

COMMENT S’EST MANIFESTÉ CE BOULEVERSEMENT ? Quelque temps après cette rencontre, alors que j’étais encore étudiant, je suis entré dans la chapelle du monastère des Capucins. Il n’y avait personne, c’était calme et serein. J’y ai pleuré pendant deux heures. J’étais par terre, seul dans l’église et je disais à Dieu : « Il faut vraiment que tu viennes faire quelque chose, que tu viennes me libérer, pour que je puisse changer. » Et là une voix me dit : « Va te confesser ! » Je lui réponds aussitôt « Ah ! Non, jamais de la vie. Cela fait des années que je n’y ai pas été. Et puis est-ce que je ne viens pas à l’instant de demander pardon ? » Mais la voix était insistante dans mon cœur. Elle ne cessait de me répéter : « Vas-y ! » Ce jour-là il y avait justement des confessions…

Lorsque le prêtre m’a dit à la fin « Je te pardonne tous tes péchés, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », la paix que je recherchais, la paix que j’attendais m’était donnée. Ce pardon avait une telle force… J’ai été me confesser quatre jours de suite, rien que pour ces paroles « Va en paix ! » C’est tellement fort de comprendre que Dieu ne m’attendait pas dans mes talents, dans mes capacités, dans mes réussites, dans mes triomphes ou dans mes ambitions ; mais qu’il m’attendait dans ma pauvreté, dans ma fragilité, dans mon péché, dans mes conneries. Il avait tout vu de ce que je faisais. Non pas pour me juger ou me condamner, mais pour me relever. Ce fut vraiment un tournant pour moi. Nous avons avancé encore un temps avec mon amie, avant de nous séparer. J’ai découvert à ce moment-là, la chasteté. C’était une découverte assez étonnante pour moi. Puis j’ai terminé mes études, avant de travailler au Parlement suisse et de suivre une formation d’avocat. J’avais à peu près vingt- trois ans. J’étais encore en plein cheminement spirituel et j’ai été élu député, deuxième de liste ainsi que secrétaire du Parti Suisse des Jeunes Démocrates-Chrétiens.

QU’EST-CE QUI VOUS A ALORS DÉCIDÉ À CHANGER RADICALEMENT DE PARCOURS ? Intérieurement, à cette époque, je suis vraiment « renversé » par ce que je viens de vivre. Et je vais faire deux autres expériences fondatrices. La première c’est encore une rencontre. Alors que je suivais un stage de formation chez le Bâtonnier de l’ordre des avocats, on m’a demandé de travailler sur un dossier vraiment terrible. Il s’agissait d’un jeune homme accusé d’avoir violé et brûlé plusieurs enfants. La presse le présentait comme un monstre et un sadique. En effet, les crimes dont il était accusé étaient plus qu’odieux. Je suis allé le voir en prison. En le voyant, j’ai eu un grand choc : rien, extérieurement, ne le distinguait des autres hommes, rien ne disait ce qu’il avait fait. Pour moi c’était un tremblement de terre, je me disais : « Mais tout se passe à l’intérieur ! » Le monde peut être meurtrier et continuer à faire bonne figure. Rien ne peut changer sans révolution des cœurs. Et c’est là que j’ai compris qu’il fallait que je commence par changer le mien. À l’époque, j’avais un ami qui était engagé dans une association qui accueille des personnes handicapées physiques et mentales. Je lui ai téléphoné pour lui demander si je pouvais passer Noël avec lui. Il a accepté, tout en me disant : « Certains sont un peu choqués et ne défont même pas leurs valises quand ils arrivent là. C’est assez éprouvant. Donc si c’est trop dur, tu pourras partir, tu ne seras pas le premier. »

Je suis arrivé là-bas, il faisait gris, il pleuvait. Un groupe de personnes, parmi les moins gravement handicapées, s’est approché de moi d’un pas déterminé. Je ne savais pas quoi faire mais ce sont eux qui m’ont expliqué : ils m’ont pris dans leurs bras. Ceux qui arrivaient à dire trois mots m’ont demandé comment je m’appelais. À mon tour je le leur ai demandé et puis c’était fait. J’ai vécu des rencontres et des expériences si fortes là-bas ! J’ai été le témoin de tant de dévouement et de joie ! A mon retour, je me suis dit : « J’arrête la politique, je rentre au séminaire ! »

écrit par La rédaction de Jésus!

Journalistes, artistes, éditeurs, graphistes, communicants, les membres de l’équipe du magazine Jésus! ont mis leurs talents et leurs créativité en commun pour faire découvrir Jésus et son influence spirituelle, artistique, culturelle

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